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L’histoire de Gago

Depuis 1966, la boutique Gago rayonne aux 20 et 24 rue Fabrot à Aix-en-Provence. Cette boutique de prêt-à-porter a été créée par celle qu’on nomme Madame Gago, une femme discrète, inspirante et déterminée. Elle a décidé de se confier sur sa vie, sa boutique et les marques avec qui elle collabore.

Pouvez-vous nous raconter l’histoire de la création de la boutique ?

Dès l’âge de 12 ans je dessinais mes blouses que ma mère me confectionnait pour aller à l’école. Très tôt, mon professeur d’anglais et de dessin Robert M., pour qui j’ai une grande reconnaissance, m’a ouvert l’esprit pour la musique, le théâtre… Il me conseillait de faire une école de stylisme à Paris. Mais, avec la famille que j’avais, il était hors de question de faire ce genre de parcours. Il aurait fallu quitter le foyer familial. Dans une famille arménienne, pas du tout intéressée par la mode, c’était plus dans la survie que ce qui était considéré comme étant futile. J’ai travaillé pendant des années avec mon père et ma mère. Ne voulant pas faire d’étude, je les ai rejoints sur le marché. Mais j’avais un objectif : un jour avoir une boutique.

Pourquoi avoir choisi le nom Gago ?

Gago était le surnom de mon frère qui nous a rejoints dans cette aventure familiale.

Pourquoi avoir ouvert une boutique dans le luxe ?

Le luxe, je ne l’ai pas réfléchi. J’aimais déjà tout ce qui était beau. À cette époque-là, quand j’étais sur le marché, je travaillais et économisais une année pour me payer un vêtement, c’était par exemple un imperméable que l’on disait « couture ».

La boutique a 56 ans, qu’est-ce qui selon vous, explique la pérennité de la boutique Gago ?

La pérennité de la boutique s’explique par une remise en question tous les 6 mois afin de ne jamais s’endormir sur un acquis.

Quelles sont les valeurs de Gago ?

Chez nous, j’ai toujours inculqué au personnel qu’il ne s’agit pas de vendre pour vendre, mais de conseiller à la clientèle une garde-robe qui lui correspond, dont elle va être satisfaite et ainsi la fidéliser.

En 2000, vous avez ouvert une seconde boutique, plus petite, quelle est la différence avec la boutique principale ?

La seconde boutique est plus sportswear, moins sophistiquée que la première et avec des pièces plus abordables.

LES ROBES DE MARIÉE ÉTAIENT UNE RÉFÉRENCE CHEZ GAGO, POURQUOI AVEZ-VOUS DÉCIDÉ D’ARRÊTER ?

 

Il aurait fallu un lieu plus approprié parce que les robes de mariée, c’est important.
Le conseil et l’élaboration d’une mariée, bien que très agréable, nécessitent beaucoup de temps et d’espace.
Mais c’était un grand plaisir de faire des reines d’un jour. J’ai toujours eu des retours des mariées qui portaient les robes.

A vos débuts, comment avez-vous été reçue par les grandes marques ?

A l’ouverture, les grandes marques étaient déjà implantées sur Aix-en-Provence.
Il a fallu se battre pour les avoir. Pour me démarquer, j’ai réussi à être convaincante, j’étais très ambitieuse.
J’ai pris des risques. J’avais beaucoup travaillé sur les marchés, c’est une très bonne école.

Des créateurs vous ont-ils fermé la porte en ne vous prenant pas au sérieux ?

Certains m’ont fermé la porte, mais j’étais déterminée à prendre ma revanche avec ceux-là. A 23 ans, il est parfois difficile d’être pris au sérieux.

Vous travaillez avec des créateurs de renom et des jeunes créateurs, est-ce important pour vous d’avoir cette diversité de créateurs ?

Oui, car la création est dans toutes les tranches d’âge.

Comment dénichez-vous de nouveaux créateurs ?

Parfois la presse ou le bouche-à-oreille.

Pouvez-vous nous raconter votre plus belle rencontre avec un jeune créateur ?

Serge Thoraval, c’est une belle histoire.

Un jour, je regarde le Marie-Claire – à cette époque-là, Internet n’existait pas. Pour trouver des adresses, c’était très difficile, sauf être en contact avec des attachés de presse. Mais même par ce moyen, je n’avais pas réussi.

Un jour, je vais dans un salon, je m’arrête au bar pour faire une pause. J’observe au comptoir un homme un peu inquiet, nerveux. Je quitte le bar et dix mètres plus loin je vois cette personne sur un stand. Intriguée par le personnage, je vais regarder ce qu’il fait et je trouve les fameux bracelets que je cherchais depuis 2 ans.

Le premier accueil n’a pas été génial, mais après, on a eu une collaboration extraordinaire, une complicité, une confiance, une fidélité et un grand respect de nos accords. Même sans lui, les accords sont respectés.

Serge nous a quitté trop jeune, juste avant de devenir un très grand, je suis sûre. Mais aujourd’hui l’aventure continue avec Rock, le digne fils de son père.

DANS LA BOUTIQUE, QUELLE PLACE AVEZ-VOUS OCCUPÉE ?

J’ai occupé toutes les places y compris le ménage, car au début, on n’avait pas les moyens. Je gérais tout.
J’ai surtout préféré m’occuper des achats, c’est-à-dire faire les collections. On faisait Paris, Londres, New York, Milan, Hambourg.
Il y a eu de belles rencontres. C’est un métier passionnant.

AUJOURD’HUI, PARTICIPEZ-VOUS TOUJOURS AUX ACHATS POUR LA BOUTIQUE ?

 

Non, je laisse le soin à ma fidèle et dévouée équipe qui d’ailleurs le fait fort bien.

Interview réalisée par Virginie Buleté.